Une souris sous le lit

C'est enfin le printemps. Des crocus jaunes et violets fleurissent dans le jardin de grand-mère derrière la maison. Les premières jonquilles tendent leur tête vers le soleil. Grand-mère et moi sommes assises sur le banc du jardin et observons un couple de pinsons qui gambadent dans les airs. "Comment ça va ?", dit grand-mère à Madame Barnard par-dessus la clôture du jardin. "Mwen se amman. Kouman ou ye?" répond Madame Barnard, comme d'habitude, dans sa langue secrète. Au moment où grand-mère s'apprête à franchir la clôture du jardin pour tenir une longue conférence secrète, comme l'appelle grand-père, avec Madame Busa, on sonne à la porte d'entrée de grand-mère. Je cours vers la maison et j'ouvre la porte. L'oncle Clément se tient sur le palier avec un grand sac de jute sur l'épaule. "Qu'avons-nous là ?" sourit grand-mère, en me regardant avec ses grands yeux verts. L'oncle Clément dépose le sac devant Mamie dans le couloir et aussitôt le sac se met à bouger. "Miaou, miaou", ça sonne. "Un chaton", je m'exclame, folle d'excitation. "C'est pour moi ?" "C'est pour vous tous, tes soeurs et toi. Eh bien, laissons-le sortir du sac." Avec ces mots, grand-mère détache la corde qui maintient le sac ensemble et un chaton tigré en sort. Il se cache sous le tabouret à chaussures de grand-père, effrayé.

"Grand-mère, on dirait un des chatons de Madame Beasley", je bafouille et j'essaie d'attirer le chaton hors de sa cachette avec un "minou, minou, minou". "Qui est Madame Beasley ?" demande curieusement l'oncle Clément. "C'est notre gros chat. Tu le sais. Le nom nous vient d'une série télévisée. La fille Buffy a une poupée. Son nom est Madame Beasley." "Alors pourquoi ne pas appeler la petite fille Buffy", suggère mon oncle. Grand-mère et moi, cependant, pensons que mes sœurs devraient avoir leur mot à dire aussi. "Tu restes pour une tasse de café, Clément?" "Bien sûr, il doit y avoir autant de temps." Et l'oncle Clément traverse avec ses bottes de campagne le couloir poli de grand-mère pour se rendre à la cuisine. Grand-mère sert de la tarte aux pommes faite maison et du café. Je sirote un cacao. Je dois ricaner.

"Sais-tu ce que faisait Madame Beasley?", demande-je à oncle Clément, puis je lui donne la réponse : "Quand elle était très jeune, elle attrapait beaucoup de souris et parfois des oiseaux. Je suis triste à la pensée des oiseaux. Grand-mère le remarque immédiatement et me caresse les cheveux : "La nature est ainsi faite, moineau." "Bref," je continue à expliquer à l'oncle Clément, "Madame Beasley avait l'habitude d'attraper des souris. Elle mettait souvent les souris sur le paillasson devant la porte d'entrée. Parfois, elle les portait même dans la maison. Papa disait toujours que Madame Beasley était fière de sa prise et voulait nous faire plaisir. Une fois, maman a pensé qu'il y avait une odeur étrange dans la chambre de ma soeur Isa. Nous étions censés ranger nos chambres pour qu'elle puisse les nettoyer. C'est ce que nous avons fait. Quand maman a mis le coffre de l'aspirateur sous le lit d'Isa, il a aspiré quelque chose de gris. Ça ressemblait à un morceau de pain moisi. Tout le monde a crié de dégoût. Papa a ensuite jeté la souris décomposée sur le tas de compost.

"Tu sais", a dit grand-mère, "après la mort d'un animal ou d'une plante, la décomposition s'installe. La décomposition se fait par l'intermédiaire de bactéries et de champignons. Les cadavres ne peuvent se décomposer que lorsqu'il y a de l'oxygène et alors ça pue. Si vous aviez enterré la souris dans le jardin dès qu'elle est morte, elle ne se serait pas décomposée aussi rapidement car il n'y a que peu d'oxygène sous le sol.

Même sur le tas de compost de grand-père, les plantes mortes se décomposent. Les restes sont ensuite mangés par les vers et les insectes, ou après un certain temps, ils se transforment en bonne terre."

Je ne comprends pas vraiment l'histoire de grand-mère et je crois l'oncle Clément pas non plus. Il a l'air tout drôle. Grand-mère veut me l'expliquer à nouveau plus tard, quand je serai plus grand. Je n'ai plus envie de m'asseoir à table et je préfère aller voir ce que fait le chaton dans le couloir.

Copyright Birgit Floßdorf